Considérons la Terre comme un laboratoire de recherche et développement vieux de 3,8 milliards d’années ; pendant tout ce temps, plus de 20 millions d’espèces ont évolué en coexistence, tissant par leurs interactions et leurs interconnexions une toile de vie qui, en retour, crée les « conditions propices à davantage de vie » (Janine Benyus), dans un cycle fertile et vertueux qui ne cesse de croître tout en s’autorégulant.

 

En revanche, dans notre réalité sociale, nous produisons souvent des champs sociaux qui ne sont ni porteurs de vie, ni fertiles, et qui ne créent pas les conditions propices à plus de vie. En effet, nous créons et mettons souvent en œuvre des systèmes sociaux (entreprises, services publics, partis politiques, comités internationaux…) où il est extrêmement difficile de travailler ensemble de manière à nourrir à la fois l’intérêt collectif et l’épanouissement personnel ; où ce qui est produit, mais plus important encore peut-être, la manière dont cela est produit, a généralement un coût pour les écosystèmes dont nous dépendons, les communautés dans lesquelles nous vivons, et même notre propre être émotionnel et spirituel.

 

Il me semble donc que l’un des leviers essentiels pour transformer radicalement le monde dans lequel nous vivons consiste à travailler sur la manière même dont nous produisons ce monde. Il ne s’agit pas seulement d’essayer de produire des industries, des marchés, des systèmes de santé ou d’éducation différents, mais de transformer la manière même dont nous les concevons, dont nous les faisons vivre et dont nous les mettons en œuvre collectivement à travers les diverses interactions que les individus ont les uns avec les autres.

 

Voici donc quelques questions qui m’animent lorsque je réfléchis aux écosystèmes résilients qui ont évolué par essais et erreurs : que pouvons-nous apprendre des écosystèmes naturels (la manière dont ils émergent et s’autorégulent) que nous pourrions ensuite appliquer à la production et à l’autorégulation de nos organisations ? Comment pouvons-nous concevoir et mettre en œuvre des systèmes sociaux qui seraient à la fois enracinés dans des principes vivants et contribueraient à créer des conditions propices à la vie ?

 

L’une des façons d’aborder ces questions, que j’aimerais utiliser dans les prochains billets de cette série, est d’explorer ce que la Permaculture peut nous apprendre sur la conception et la culture d’écosystèmes à fort rendement pour la production de nourriture tout en ne nécessitant que peu d’entretien (voire pas du tout), et de voir comment ces enseignements peuvent être appliqués au design et à la mise en œuvre d’organisations sociales fertiles et non toxiques.

 

La permaculture est une discipline créée par Bill Molison et David Holmgren, deux Australiens qui ont passé des années à étudier les écosystèmes du Bush australien et ont tiré de leurs observations des principes clés sur la manière dont les mondes animal, végétal, minéral, aquatique et gazeux interagissent les uns avec les autres dans des cycles vertueux qui favorisent la vie. À partir de là, ils ont commencé à appliquer leurs connaissances pour mettre en place, avec un énorme succès, de nouveaux types d’initiatives en matière d’agriculture, d’agroforesterie et de restauration des terres. La permaculture est aujourd’hui utilisée dans le monde entier depuis des décennies, avec d’excellents résultats (plus d’informations sur http://www.permaculture.org.uk/ ).

 

Il y a quelque temps, David Holmgren a résumé l’essence du design en permaculture en 12 principes :

  1. Observer et interagir
  2. Capter et stocker l’énergie
  3. Obtenir un rendement
  4. Appliquer l’autorégulation et accepter le feedback (retour d’information)
  5. Utiliser et valoriser les ressources et les services renouvelables
  6. Ne pas produire de déchets
  7. Concevoir en partant des principes et patterns, puis aller vers le détail
  8. Intégrer plutôt que séparer
  9. Utiliser des solutions petites et lentes
  10. Utiliser et valoriser la diversité
  11. Utiliser les bordures et valoriser la marginalité
  12. Répondre au changement en l’utilisant de manière créative

 

Je propose d’explorer, au cours des douze prochains billets de ce blog, comment ces principes peuvent être appliqués à la conception et à la mise en œuvre de nouveaux types d’organisations : entreprises, systèmes de santé ou d’éducation, partis politiques, ONG et, plus largement, écosystèmes d’organisations.

 

Au cours des douze prochains billets, chaque billet explorera l’un de ces principes et son application aux domaines sociaux. Et vous, chers lecteurs, êtes chaleureusement invités à me rejoindre dans cette réflexion en postant des commentaires sur ce blog et en interagissant les uns avec les autres !